Se rendre ridicule pour se rendre visible

Se rendre ridicule pour se rendre visible

Publié le mardi 16 juin 2020

Vous l’avez suffisamment vu passer pour que je ne lui fasse pas encore un peu plus de publicité : un dénommé Jean-Pierre, apparemment Suisse, a “fait le buzz” avec des vidéos où il présente de manière agressive et maladroite une méthode miracle pour “faire fortune avec son téléphone”. 

(Bon, vraisemblablement il s’agirait d’un machin pyramidal de trading boursier comme il en existe tout un tas. Pas besoin de dire que vous ne serez pas du côté de ceux qui feront fortune).

Clairement, le gars a tout compris. L’heure n’est plus à la communication subtile, mais au gros buzz qui tâche. Et en ce sens, c’est une vraie leçon. 

Il paraît qu’il faut à tout prix faire parler de soi, le reste n’étant qu’une question de proportion : si un million de personnes entendent votre message, et que 99% vous trouvent ridicules (et relaient ce message précisément pour cette raison), ça laisse 10 000 personnes qui vont se dire “wouah, c’est pas con ce qu’il dit”. 

Et à la vente à la commission d’un machin pyramidal à 200 euros, ça fait… largement de quoi s’acheter un pantalon un peu plus à sa taille et quelques locations de Ferrari.

Car il faut pas être dupe. Ce gars là n’a pas le look d’un gars qui a inventé l’eau chaude, mais il maîtrise les codes d’une comm’ en ligne réussie et calculée. Un détail en particulier le trahit : la “phrase qu’on retient”. Chez lui, il en a même plusieurs. Le “la question elle est vite répondue” qu’il martele dans chacune de ses vidéos (pas un hasard donc), et le désormais célèbre “Bisous” qu’il lance à chacune de ces vidéos. Ca n’a pas loupé, des vidéos parodiques sont sorties en quelques jours seulement.

Si je dis “Nabilla” dans un groupe de personnes, le célèbre “non mais allô quoi” surgira immédiatement. C’est exactement le même mécanisme, et même si la première fois c’est sorti par hasard, la miss a bien entendu su en jouer jusqu’à saturation allant jusqu’à déposer la marque ! 

Elle se fiche bien d’avoir eu l’air ridicule, tant elle a pu en tirer bénéfice. Et Il sera toujours temps après le buzz d’expliquer que tout ceci était calculé, prémédité, et qu’elle est bien moins crétine qu’elle semblait le laisser voir.

Ces célébrités, certes éphémères et basées sur du vent, savent donc parfaitement tirer profit des codes de la société d’aujourd’hui, où l’on s’enthousiasme ou l’on s’indigne sur des phrases choc, sans prendre la peine de creuser, de donner du sens, de prendre le temps d’étudier dans le détail.

Est-ce qu’on est condamné à “faire le buzz” et se rendre ridicule pour percer ? Ou bien peut on croire que l’élévation de la société passe par chaque action individuelle, et que prendre le risque d’être dans le travail de fond en étant moins populaire à court terme peut être une démarche plus gagnante à long terme ?

C’est à chacun de s’interroger en son for intérieur, en tout cas par ici la question elle est vite répondue !